Le Chateau Francis Poulenc et ses vignes…

Agnès Audebert propriétaire du Grand Coteau Demeure Francis Poulenc, nous fait visiter le Chateau et ses vignes un dimanche du mois mai 2025.

Agnès Audebert est également présidente Agnès Audebert de l’association Culture Poulenc, qui organise des événements culturels pour honorer l’héritage du compositeur. Parmi ces initiatives, des concerts ont été organisés dans le salon de musique du Grand Coteau, offrant au public une expérience immersive dans l’univers de Poulenc .

Le Grand Coteau : Francis Poulenc, une demeure, des vignes, une mémoire musicale

Un refuge pour créer en paix

C’est en 1927 que le compositeur Francis Poulenc acquiert la demeure du Grand Coteau, à Nazelles, en Touraine. Il cherchait à fuir le tumulte parisien pour travailler en paix. Loin de l’agitation de la capitale, il y compose le matin, à son bureau, dans une pièce restée quasiment intacte aujourd’hui.

Dans le salon, les portraits de famille s’alignent : sa grand-mère, figure fondatrice de l’entreprise Poulenc Frères, qui fusionna plus tard avec aspirine du Rhône, pour donner Rhône-Poulenc géant de la chimie française. Des photographies rappellent ses œuvres : ses ballets, Les Mamelles de Tirésias, Dialogues des Carmélites, mais aussi son attachement à des interprètes comme Denise Duval. Ses 2 pianos trônent toujours là, témoins des heures de création.

Autour de la cheminée : une vie d’amitiés et de muses

La cheminée est entourée de portraits des figures clés de sa vie :
• Ricardo Viñes, son mentor
• Claude Debussy et Maurice Ravel, pairs admirés
• Guillaume Apollinaire, dont le livret inspira Les Mamelles de Tirésias entre autres
• Paul Éluard et Jean Cocteau, pourvoyeurs de textes mis en musique

C’est Cocteau qui lui inspira l’opéra La Voix Humaine, et son amitié profonde se lit dans le jardin qu’il dessina pour Poulenc : quatre carrés et une étoile, symbole fétiche du poète.

Une inspiration tourangelle

Poulenc perdit ses parents très jeune : sa mère, victime d’un accident à 14 ans, son père à 17. Une amie de la famille, Mme Linard, l’accueillit à Nazelles, où il trouva paix et consolation. C’est elle qui lui suggéra d’acheter la maison du Grand Coteau. Elle croyait en la Touraine comme en une terre d’inspiration, propice à la concentration. Elle avait raison : c’est là qu’il revint régulièrement, composant ses mélodies, ses cycles religieux (le Stabat Mater, Les litanies de la Vierge noire de Rocamadour, Les Sept Répons etc), et même des œuvres plus légères comme L’Histoire de Babar, née d’une remarque espiègle de sa nièce qui en avait assez d’entendre sa musique savante.

Un compositeur interprète

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, Francis Poulenc a dû beaucoup travailler pour gagner sa vie, notamment après la crise de 1929. Bien que né dans une famille aisée, les revenus fondirent, et il dut multiplier les interprétations et les commandes. Parmi les plus prestigieuses : celle de la princesse de Polignac, pour le célèbre Concerto pour deux pianos.

Les vignes du Grand Coteau : une mémoire viticole

Le Grand Coteau n’est pas seulement une maison de musique, c’est aussi une maison de vignes. À l’origine, la propriété appartenait aux vignerons de la cathédrale de Tours. Lorsqu’elle fut rachetée, elle comprenait à peine un hectare de vignes. Aujourd’hui, ces parcelles entourent toujours la maison.

L’actuel exploitant, Pascal Perdrigeon, a fait renaître ces vignes avec soin. Coïncidence touchante : il est le petit-fils d’un des vignerons de Poulenc. La boucle est bouclée. Ensemble, ils ont relancé le vin sous le nom de Grand Coteau.

Pascal exploite aujourd’hui 17 hectares sur la commune de Vouvray. On y produit des vins tranquilles, secs, demi-secs et moelleux, selon les années. Sa production annuelle atteint environ 15 000 bouteilles, le reste étant commercialisé via un négoce. Seul sur l’exploitation, il fait appel à de la main-d’œuvre saisonnière, notamment pour faire face aux défis climatiques croissants : hivers très humides, gelées épargnées de justesse, et des printemps de plus en plus imprévisibles.

Un héritage inattendu : le pétillant de Vouvray

L’histoire du vin à Vouvray se double d’une anecdote singulière. L’arrière-grand-père d’Agnès, vétérinaire dans les années 1900, rachète un vignoble à la bougie lors d’une vente peu fréquentée. Ce vignoble devient alors la base d’une tradition familiale.

Dans les années 1920, un client champenois, ruiné par la grêle, échange la méthode champenoise contre du vin de Vouvray. C’est ainsi que le pétillant y prit son essor. Aujourd’hui encore, ce pétillant, plus subtil que le champagne selon certains, trouve sa place sur les tables.

Francis Poulenc, compositeur de l’intime, vigneron malgré lui, est resté enraciné dans cette terre qui l’a consolé et inspiré. À travers ses œuvres comme à travers ses vignes, il continue de chanter la Touraine